mercredi 26 mai 2010

Deux mamans ou deux papas - est-ce suffisant?

Mon objectif avec ces articles de blogue est de seconder les efforts d'une variété d'écrivains chrétiens et autres dans notre désir commun de partager ce qui nous semble contribuer au bien commun et aussi, directement ou indirectement, rendre gloire à Dieu et étendre son oeuvre de salut auprès de toute l'humanité. G.S.

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Voilà une question d'actualité mais aussi difficile d'approche. Pourquoi difficile vous me demandez? Je ne peux que vous dire que c'est mon expérience jusqu'à ce jour. Elle est surtout difficile en raison des sensibilités des gens qui y sont les premiers intéressés. On veut les appuyer même dans les désaccords, s'il y en a, mais on a l'impression qu'on a droit seulement à être d'accord. Les divergences ne sont pas permises.

Pourtant, entre amis et parents, on s'attendrait à pouvoir partager les uns avec les autres ses pensées aussi bien que ses sentiments et ses motivations, ses rêves, ses difficultés. Dans une perspective humaine on a beaucoup à apprendre les uns des autres, encore plus entre chrétiens. 

J'avais un ami proche que j'ai perdu lors de son décès l'an dernier. Il était de mon âge et il souffrit et mourut avant son temps. J'avais déjà perdu son amitié une dizaine d'années auparavant alors qu'il s'est déclaré gai, mais pas par ce simple fait. Je n'ai jamais cessé d'apprécier son amitié ni de vouloir lui être ami et frère. Lors de son annonce de cette nouvelle qu'il se considérait gai, je pensais que nous étions en conversation, mais il n'a pas toléré mes propos et s'en fut fini de notre amitié. J'avoue ne jamais avoir compris cette fermeture de la porte.

En rétrospective, il se peut qu'il ne sut séparer ma personne de mon rôle en tant que prêtre et représentant du Christ et de son Église. Je garde de souvenir d'avoir éprouvé de sa part une complète intolérance inexpliquée mais qui aurait pu être explicable. Toutefois, à bien y réfléchir, je crois que j'ai manqué à mon obligation à la charité. Trop accroché aux idées j'ai perdu de vue mon ami, le drame qu'il vivait, toute l'historique de sa vie et de sa quête pour le sens de sa vie, toutes les émotions autour de ses efforts de donner un sens à sa vie, et son grand besoin - que nous partageons tous - de connaître et d'être reconnu, d'aimer et d'être aimé.

Je demeurerai toujours reconnaissant envers mon ami, même si on a perdu l'amitié proche dont nous jouissions pendant quelques décennies, pour la leçon qu'il a su me faire. Depuis ce drame j'ai appris à faire la distinction entre les idées et les rapports que nous sommes appelés à avoir entre nous dans le respect et l'amour fraternel. Notre société moderne valorise la tolérance alors que Jésus nous appelle à la compréhension et à la charité.

Voilà un phénomène intéressant de notre culture et société toujours en évolution: le concept de la tolérance. On en parle beaucoup et il fait couler beaucoup d'encre et prend beaucoup de place dans la blogosphère, dans la société en général et dans la politique en particulier.

Ce que je regrette et redoute est que trop souvent la tolérance qu'on prône est une intolérance à l'inverse. C'est à dire qu'on veut que toute la société montre une acceptation inconditionnelle de telle perspective, de telle décision, mais cela implique un refus total de toute perspective contraire ou critique. C'est un refus catégorique au dialogue, et donc, un sérieux manque de respect et de charité. 

On ne tolère désormais aucune expression de désaccord, encore plus, on accuse d'intolérance toute expression d'une perspective différente. On sacrifie le dialogue pour y substituer un monologue, un genre de fascisme individuel ou collectif comme, par exemple, dans la pratique du lobbyisme, c'est à dire, l'imposition d'une idée ou d'une politique par la force des nombres ou du discours le plus aigu ou le plus fort. On accumule tous ceux qui sont en accord et on augmente les nombres avec tous ces gens qui sont familiers ou qui ont déjà un parti pris pour eux et n'osent pas les contredire, ne veulent pas offenser leurs sensibilités. 

Je me compte parmi ceux-ci. J'aime toujours mon ami décédé, et j'aime d'autres gens qui se disent lesbiennes ou gais. Je veux leur bonheur, et je le désire pour eux avec un amour intense et inchangeable, comme je suis persuadé que le Bon Dieu veut aussi leur bonheur et a mis tout en œuvre pour que nous y parvenions. L'enjeu n'est pas là, mais plutôt de notre ouverture à la connaissance du véritable chemin au bonheur, ou pour le dire autrement, notre ouverture à ce que Dieu nous en dit. Il reste qu'il ne me revient pas de juger de l'ouverture des autres à Dieu.

S'il y a un élément toujours présent en toute civilisation humaine - selon le récit de la Genèse - c'est bien le désir et l'audace de vouloir définir pour nous-même ce qu'est la nature humaine, quelle est notre destinée, et quel est le chemin de la vérité qui mène au bonheur authentique et durable. Nous voulons être indépendants pour pouvoir définir par nous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal. Nous ne voulons pas être dirigés par quiconque. 

Sur cette question de couples gais ou lesbiennes qui désireraient avoir des enfants, il y aurait beaucoup à dire, mais il se peut que les intéressés ne sont pas toujours ouverts à quelque considération que ce soit qui ne représenterait pas un appui complet et inconditionnel d'un tel projet: à savoir l'élevage d'enfants sans la complémentarité d'une mère et d'un père.

Il est vrai qu'il y a désormais plein de maisonnées mono-parentales. Si ce qui est normal dans une société est la famille fondée sur l'amour fidèle, exclusif, et pour la vie entre un homme et une femme; quand l'un d'eux quitte l'autre et lui laisse la charge des enfants cela constitue alors une exception et probablement aussi un drame pour les personnes impliquées. Inutile de comparer deux femmes ou deux hommes qui veulent être parents ensemble aux foyers mono-parentaux. S'il y  comparaison à faire ce serait plutôt au foyer constitué par une mère et un père. On ne bâtit pas une société sur l'exception mais sur la norme, sur ce qui semble historiquement établi comme la norme pour le genre humain. 

Alors vient la question de l'origine de cette norme. Est-ce purement culturel, une pratique qu'on peut changer quand bon nous semble comme on change de mode? Je voudrais éviter l'arrogance de nous considérer plus intelligents, "plus évolués" ou plus éclairés que les générations qui nous ont précédés depuis l'aube de l'humanité. Depuis toujours il y a eu des personnes, des parents, et des familles remarquables. L'inclinaison ou la préférence personnelle sont-elles les facteurs déterminants? Il n'y va pas seulement de la nature de la relation entre les adultes qui deviennent par choix ou par accidents parents, ni non plus de leur seul volonté, mais aussi du bien de l'enfant et en l’occurrence des enfants accueillis par ces parents. 

L'enfant qu'a-t-il besoin pour croître et devenir une personne humaine autonome de la conception à l'âge adulte? Voilà une question essentielle. Jusqu'à récemment les professionnels des sciences sociales s'en sont donné à cœur joie dans des études innombrables de l'apport de la femme, de la mère, à son enfant. Il y avait entre eux comme un pris pour acquis que l'homme, le père, ne contribuait que son ADN. 

Tel n'est plus le cas. Les études qu'on a commencé à faire depuis une décennie ou deux indiquent fortement que l'homme, le père, fait une contribution tout aussi importante - quoique différente - à la formation de la jeune personne humaine - et du garçon et de la fille - que leur mère. Il s'agit toujours d'une question de complémentarité. 

Qui suis-je alors, moi prêtre, pour me prononcer sur ces questions? J'ai le même droit que tout membre de la famille, de tout ami, et la responsabilité de celui qui aime l'autre et veut son bien. Je reconnais volontiers la responsabilité de chaque personne de vivre sa vie, de discerner ses décisions à prendre, et de se conduire selon sa conscience et de ne pas négliger de former cette conscience avec toute l'ouverture possible à Dieu Créateur. 

Lorsqu'on me demande le Baptême pour son enfant, ces parents par ce fait même exprime leur ouverture au plan de Dieu Créateur pour leur bonheur, leur volonté de tout mettre en œuvre pour activer ce plan de Dieu dans leur propre vie, et de transmettre ces valeurs, cette ouverture, cette foi en le Dieu vivant, à leurs enfants. Donc, ils veulent que je scrute avec eux la Parole de Dieu pour une parole que le Seigneur veut bien leur adresser en cette occasion joyeuse de l'accueil d'un enfant et de son Baptême. 

J'ai donc à me réjouir avec eux, à encourager et fortifier leur désirs et dispositions à élever cet enfant devant Dieu et avec son aide, et aussi à les aider à se préparer à faire face à tous les obstacles déjà présents et à venir qui dans notre culture ont tendance à opposer la vie de couple et de famille, voir une vie naturelle et paisible. 

Quand le premier couple d'hommes gais ou femmes lesbiennes m'approchera pour baptiser leur enfant, soit adoptif, soit conçu de façon artificielle et moyennant la médiation d'un homme d'occasion, quelle sera ma réponse, et quels seront mes propos, comme on s'attendrait de tout pasteur? 

Comment pourrais-je passer sous silence le plan de Dieu que tout enfant ait et un père et une mère, afin de recevoir et d'apprendre des deux tout ce qu'il lui faudra pour croître et devenir une personne humaine et autonome devant Lui afin de pouvoir jouir de la liberté des enfants de Dieu? 

Il faut venir en aide à ces gens, comme à l'aide des parents seuls à élever leurs enfants, ayant été abandonnés par l'autre parent, pour quelque raison que ce soit. S'il est vrai que cela prend tout un village pour élever un enfant, il est tout aussi vrai qu'il faut une mère et un père pour constituer une famille. La relation de couple dans la danse entre la différence et la complémentarité de l'homme et la femme dans le mariage est voulue par Dieu.

Ce couple complémentaire fut créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, nous dit la Parole de Dieu au début du livre de la Genèse. Le simple fait que beaucoup de couples connaissent la défaillance dans leur relation de couple n'invalide pas pour autant le plan de Dieu pour notre bonheur ni la vitalité qu'Il a prévu dans ce couple homme/femme fait à son image et à sa ressemblance. 

C'est dans toute la dynamique de la différence qui appelle constamment et l'homme et la femme à faire place à l'autre et à une perspective et une façon de voir et de faire qui resteront toujours différentes, toujours autres, toujours en quelque sorte étrangères, qu'advient l'image vivante de Dieu dans le couple marié. Les enfants qui naissent ou qui sont adoptés dans l'enceinte de cette relation de couple homme/femme et père/mère sont accueillis dans un atmosphère et un foyer ou le renoncement de soi est ce qui exprime le mieux l'amour authentique de l'autre et qui se met au service du bien de l'autre. Il n'y a pas plus grand amour que de donner sa vie pour la personne qu'on aime. 

Ce n'est pas que deux femmes ensembles ou deux hommes ensembles sont incapables de renoncement, et peut-être bien qu'elles ou ils pourraient montrer plus d'amour et de dévouement que certains couples homme/femme ou que le parent seul pour élever ses enfants, ayant été abandonné par l'autre parent. Toute personne humaine, quels que soient les circonstances, est capable d'amour et de dépassement de soi. Cependant, le besoin de tout enfant pour cette complémentarité de deux parents de sexe différent qui s'aiment et qui soient fidèles l'un à l'autre pour la vie demeure incontournable. 

Alors, comment partager ces pensées avec deux femmes ou deux hommes qui se sont portés acquéreurs d'un enfant? Comment faire place à la perspective de Dieu dans la vie humaine? Comment vivre pas seulement de notre propre volonté mais au contraire faire place à une volonté plus grande, plus sage, plus généreuse que la nôtre? Je ne vois pas de solutions toute faite. S'il y a possibilité de vrai dialogue, alors tout devient possible, ou presque.

S'il n'y a pas possibilité de dialogue, ou si on invalide au départ la révélation judéo-chrétienne, alors on refuse la parole à Dieu lui-même, et on écrit une nouvelle anthropologie à sa propre image et à sa propre ressemblance, et non plus à celle du Créateur. Les gens sont libre en tout temps de le faire, et Dieu lui-même n'oppose pas notre liberté de décider et d'agir. Cependant, Il ne nous épargne pas non plus des conséquences de nos décision et de nos actes. En vue de notre bonheur Il souhaite nous épargner de souffrir, nous et nos enfants, en nous proposant son propre plan pour notre bonheur. 

La condition homosexuelle est-elle vraiment aussi fixe qu'on le prétend? C'est certain que plus on met en pratique une façon de vivre, plus elle devient normative pour soi. Il y a d'autres orientations de l'esprit humain que nous ne sommes pas prêts à appuyer ni accepter. Il y a aussi certainement des façons de porter de telles orientations sans pour autant en faire une vie en contestation, mais en trouvant en Dieu les assises pour un équilibre de vie qui se situe fermement dans l'appel et le plan de Dieu. 

Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité à notre époque il existe un lobbyisme qui cherche depuis plusieurs décennies à établir la légitimité de la pratique homosexuelle à même titre que le mariage d'un homme et d'une femme. Avec le temps, il y en aura peut-être qui chercheront même à abolir le couple de la Genèse. Chose certaine, avec l'influence partout présente du lobbyisme gai, il n'est presque plus possible de tenir le discours judéo-chrétien sur le mariage ou de parler du bien de l'enfant, sans donner aux intéressés l'impression qu'on les condamne ou qu'on est intolérant de leur option. 

Ce n'est pas vrai. Si nous ne sommes pas libres de contribuer de telles pensées dans un dialogue ouvert, alors c'est qu'ils ne veulent aucunement le dialogue, mais uniquement l'approbation inconditionnel. Je respecte leur liberté humaine et la responsabilité avec laquelle ils prennent de telles décisions, mais je réserve mon droit d'être en désaccord, et s'ils viennent me voir en tant que prêtre pour recevoir ce que l'Église Catholique a toujours fait par souci de fidélité à son Seigneur, alors il sera mon devoir de leur en faire part.

Le rôle de prêtre n'est pas d'atténuer les exigences de la Parole de Dieu, mais de marcher avec les autres croyants et les aider à entendre et accueillir cette Parole de Dieu et trouver la force dans l'amour de Dieu exprimé en Jésus de le suivre et de vivre volontiers les renoncements nécessaires pour suivre Jésus et connaître la profondeur de l'amour de Dieu et jouir de son désir de nous accorder le bonheur ici-bas et aussi dans l'éternité. 

On n'accepte pas beaucoup aujourd'hui d'entendre parler du péché originel, mais il suffit de dire que l'être humain demeure frustré dans son désir de bonheur pour la simple raison de nos inclinaisons à l'égoïsme. Pour vivre vraiment un amour désintéressé de l'autre, cela entraîne nécessairement un renoncement constant de mes propres désirs et inclinaisons.... La maturité implique une personne capable de s'oublier dans le service fidèle de l'autre. 

D'ailleurs, il n'est pas possible d'être chrétien sans retenir par une discipline libre et personnelle toute orientation humaine qui nous entraînerait à l'encontre de la volonté de Dieu. Jésus nous a bien averti qu'il n'est pas possible de Le suivre sans accepter de porter sa croix, c'est à dire sans accepter de priver de notre attention toute inclinaison qui nous détournerait de la volonté de Dieu telle qu'Il nous la fait connaître dans sa Parole inspirée et dans la Personne de son Fils Jésus. 

Ceci étant dit, il reste que l'intention manifeste du Créateur est de respecter la liberté de chaque personne humaine, tout en nous interpellant pour entendre et considérer sa révélation, faire de la place à son enseignement, et faire de notre mieux pour suivre ses instructions afin de pouvoir jouir de la vie qu'Il nous offre en abondance. 

Face à de tels changements sociaux et compte tenu des grandes divergences entre nous, cette réflexion n'est qu'une pauvre expression du défi qui est le nôtre en ces jours. Nous devons à tout prix éviter de nous échapper à la première exigence de la part de notre Créateur: l'amour véritable du prochain. Nul ne peut prétendre vivre la vie d'un autre ou pour un autre, ni juger les intentions ou les dispositions intérieures de l'autre. Nul hormis Dieu Lui-même, Être divin et tout Autre, est compétent pour juger toute personne humaine; donc à Lui le jugement. Pour notre part, à nous de nous aimer les uns les autres, et pour ma part, à moi de faire tout mon possible d'être et d'agir en bon berger comme l'Unique Bon Berger et selon son exemple et son commandement.

"Dieu, Toi qui aime tous tes enfants, aide-nous à bien savoir les accompagner, les guider, les aider à entendre ta parole d'amour et de sagesse pour leurs vies, et donne-leur la grâce d'ouverture à ton plan pour notre bonheur, une perspective qui est beaucoup plus large et plus sage, plus aimante et plus généreuse que la nôtre, en Jésus ton Fils, notre Seigneur."

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Mon objectif avec ces articles de blogue est de seconder les efforts d'une variété d'écrivains chrétiens et autres dans notre désir commun de partager ce qui nous semble contribuer au bien commun et aussi, directement ou indirectement, rendre gloire à Dieu et étendre son oeuvre de salut auprès de toute l'humanité. G.S.

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© 2006-2021 All rights reserved Fr. Gilles Surprenant, Associate Priest of Madonna House Apostolate & Poustinik, Montreal  QC
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